Les bateaux papiers
chapitre 2 - L’écume des sillages







Lorsque j’étais enfant, du jour au lendemain, ma mère a perdu l’usage de ses jambes, l’obligeant à faire corps avec un fauteuil roulant, quadrupède soutenant.

Une trentaine d’années plus tard, alors qu’une nouvelle vague, au loin, se dirigeait vers elle, je me suis mis à photographier sans raison les chaises abandonnées. Langage d’un subconscient en marche forcée ? les anciens racontent qu’un âne s’avançait toujours devant la porte les veilles d’orage.
Peu à peu, de ces chaises, un inventaire s’est constitué et une série anthropomorphe est née, un titre grinçant s’en est dégagé : Les Encombrants.

Après l’impact, elle est restée l’année à l’horizontale, ramenée - à temps - lentement vers le rivage. Et j’arrêtais enfin de fixer ces chaises sur pellicule, pensant refermer une série sur l’exclusion ; L’orage était passé. Et une série intime sur la perte et la culpabilité et l’enfant d’en dedans se révélait sur négatifs.

Rien ne préparera jamais assez les grandes traversées ; ni l’air d’une comptine qu’elle aimait autrefois fredonner, ni les contours d’une silhouette familière que je voulais retenir et laisser. Dans l’écume des sillages, les amarres défieront toujours les restés à quai, les partis vers où, nos bateaux pas pied.














quand je serai débordé j’irai marcher les pieds nus à tes côtés
t’écouter me raconter l’histoire lente d’une respiration millénaire
me rappeler qu’au petit matin la couverture toujours était remontée



































Mark