Lorsque
j’étais enfant, du jour au lendemain, ma mère a perdu l’usage de ses jambes, l’obligeant
à faire corps avec un fauteuil roulant, quadrupède soutenant.
Une
trentaine d’années plus tard, alors qu’une nouvelle vague, au loin, se
dirigeait vers elle, je me suis mis à photographier sans raison les chaises abandonnées. Langage
d’un subconscient en marche forcée ? les anciens racontent qu’un âne s’avançait
toujours devant la porte les veilles d’orage.
Peu à peu, de ces chaises, un inventaire s’est constitué et une série anthropomorphe est née, un titre grinçant s’en est dégagé : Les Encombrants.
Après
l’impact, elle est restée l’année à l’horizontale, ramenée - à temps -
lentement vers le rivage. Et j’arrêtais enfin de fixer ces chaises
sur pellicule, pensant refermer une série sur l’exclusion ; L’orage
était passé. Et une série intime sur la perte et la culpabilité et l’enfant
d’en dedans se révélait sur négatifs.
Rien ne préparera jamais assez les grandes
traversées ; ni l’air d’une comptine qu’elle aimait autrefois fredonner, ni les
contours d’une silhouette familière que je voulais retenir et laisser.
Dans
l’écume des sillages, les amarres défieront toujours les restés à quai, les
partis vers où, nos bateaux pas pied.